Quand les 
institutions démocratiques s'érodent


Comment l'Allemagne perd sa démocratie

par Robert Seidel

(30 janvier 2021)  La République fédérale d'Allemagne peut-elle encore être qualifiée de démocratie? Les droits démocratiques des citoyens sont-ils pris au sérieux?

Il est dangereux de penser que l'on peut revenir en arrière. Les tentatives visant à déresponsabiliser les gens finissent mal et entraînent des souffrances inutiles. Qui aime se faire déposséder de ses droits naturels?

Le fait que nous, les êtres humains, naissions libres et égaux en dignité et en droits, et que chacun ait le droit de mener sa vie de manière autodéterminée, relève à l’heure actuelle du bon sens.

La volonté des «seigneurs» d'ignorer les autres – la «populace», les «déplorables», les «incultes» ou simplement les «mal-informés» – semble être un manque de compassion.

Nombreux sont celles et ceux percevant avec étonnement que, parallèlement à la pandémie de covid-19, des changements politiques de grande envergure sont opérés sous le couvert de termes tels que «Great Reset»1 ou «Green Deal».2 La participation à la démocratie se fait toujours plus rare. Les «freins» démocratiques ont-ils lâché? Le peuple est-il encore maître de son propre destin ou est-ce une autre entité qui en décide? Le gouvernement élu agit-il de son propre chef ou est-il déterminé de l'extérieur? Jetons un coup d'œil au passé.

Le Parlement fait-il son travail?

Mettons à l'épreuve l'une des nations économiques les plus puissantes du monde, notre voisine, la République fédérale d'Allemagne: les institutions démocratiques remplissent-elles leur mission de représenter le peuple?

Deux exemples illustrent parfaitement l'échec des institutions démocratiques en Allemagne. La Loi fondamentale est considérée comme l'étalon de la démocratie allemande. Elle a été établie en 1949 à la suite des catastrophes des deux guerres mondiales et d'une dictature totalitaire. Elle constitue le cadre d'une coexistence démocratique et libre et est en même temps un rempart contre les tendances antidémocratiques et belliqueuses.

Le gouvernement nouvellement élu à l'automne 1998 (le SPD et les Verts – se considérant tous deux comme des «partis pacifiques») a, de façon tout à fait inattendue, méprisé l'interdiction internationale de lancer une guerre d’agression. Le gouvernement a donné son feu vert pour la participation à la guerre contre la République fédérale de Yougoslavie. Quelques années plus tard, le chancelier de l'époque, Gerhard Schröder (SPD), a carrément admis que cette guerre était illégale au regard du droit international.3 Cette guerre ne fut pas légitimée par l'ONU et était donc anticonstitutionnelle. Où était le tollé du Parlement allemand? Qu’en était-il de la justice allemande? A l'époque, le divisionnaire suisse Hans Bachofner avait déclaré: «La guerre est de retour, mais nous avons perdu tout respect.»

En 2015, Angela Merkel a décidé d'autoriser l'immigration illimitée en Allemagne, en passant outre le Parlement et la loi. Où était le tollé du Parlement? Qu’en était-il de la justice allemande?

Défendre les droits populaires

Le gouvernement allemand a contourné son Parlement, il a ignoré la Loi fondamentale et les droits de son propre peuple. Il est effarant de voir à quel point la politique allemande a été progressivement érodée depuis 1945. D'autres violations du droit sont à l'horizon actuellement:

– De nouveaux plans de migration à grande échelle sont mis en œuvre par le biais de la jurisprudence de l’UE afin de contourner la population allemande.

– La gigantesque restructuration de l'économie via l'UE au profit des multinationales mondialistes est cachée de manière hypocrite sous le terme de «New Green Deal».

– Dans l'ombre de la lutte contre la pandémie, l’endettement déjà colossal des Allemands est agrandi à l’aide des budgets de l’UE et de l’Etat. Il n’y a aucun débat sur les conséquences.

– Depuis 2014, les forces armées allemandes sont engagées en Europe de l'Est –actuellement encore pour des manœuvres – à la frontière russe. Une impression de déjà vu?

La confiance disparaît

Quelles seront les conséquences de ces activités arbitraires? La confiance sera-t-elle complètement dilapidée? Doit-on s’attendre à des structures autoritaires, voire totalitaires, en Allemagne? Va-t-on créer des méthodes de surveillance et de pression sociale à l'instar de l'empire de l'ombre d'Erich Mielke? Soixante-quinze ans de Loi fondamentale (ouest-allemande) et 45 ans de résistance en RDA peuvent-ils revitaliser les forces démocratiques en Allemagne?

Les gouvernements sont-ils déterminés de l’extérieur?

Cela soulève une deuxième question. Qui a de l'influence sur ce gouvernement, si ce n'est le peuple allemand? Agit-il de son propre chef ou est-il déterminé de l'extérieur?

Il se peut que l'ex-chancelier Schröder explique dans ses futures mémoires qui a suggéré à Joseph Fischer (Verts) et à lui-même de rompre la norme pacifique prévue par la Loi fondamentale et de jouer les «va-t-en-guerre» en République fédérale de Yougoslavie en accord avec les Etats-Unis et d’autres pays «volontaires». En tout cas, le peuple allemand y était opposé.

A l'automne 1998 – toujours en mode de campagne électorale –, Schröder et Fischer se sont rendus à Washington. A la suite de ce voyage outre-Atlantique, il n’y eut plus de doute sur le fait que l'Allemagne serait à nouveau partenaire de toutes les croisades violant le droit international. L’injonction «Plus jamais la guerre», appartenait désormais au passé. En plus de l'utilisation d'armes radioactives illicites (p. ex. des obus à l'uranium appauvri), des opérations de relations publiques systématiques sont menées depuis lors afin d'atténuer l’opposition de la population allemande aux nouvelles guerres.

La guerre à la demande des Etats-Unis

A l’heure actuelle, on sait parfaitement que c’est l'administration américaine de Bill Clinton et de Madeleine Albright qui a imposé cette guerre en Europe. A cette époque, les forces au pouvoir ont également imposé au monde une politique économique néolibérale, dont le mot-clé était «mondialisation». Au profit des intérêts commerciaux et financiers de la plus grande puissance commerciale de l'époque, la volonté propre des nations fut ignorée. Outre le «Hard Power» (guerres en Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, etc.) et le «Soft Power» (révolutions de couleur, etc.), l'administration américaine a dicté ses conditions aux différentes nations du monde par l'intermédiaire des organisations internationales (ONU, OMC, OMS, FMI, etc.). Les gouvernements élus n'étaient plus redevables à leur peuple, mais devaient remplir des «obligations internationales».

Merkel: «S’espionner entre amis, ce n’est pas bien du tout»

Et qu'en est-il de la chancelière allemande Angela Merkel? Qui ne se souvient pas de sa réaction en 2013, lors du scandale de la mise sur écoute des pays européens par la NSA? «S’espionner entre amis, ce n’est pas bien du tout».4 Elle-même, mais également l’ensemble du gouvernement allemand, du Parlement et de l'industrie allemande étaient espionnés par leurs «amis» (USA, GB). Toute planification, tout mouvement est connu. Aucune action indépendante n'est prévue.5 Est-ce donc cela, gouverner au nom du peuple?

«La voix de son maître»

La question concernant «His Masters Voice» [La voix de son maître, ndt.] demeure. Ni Gerhard Schröder ni Angela Merkel n'ont représenté les intérêts du peuple, contrairement à ce qu’exige la Loi fondamentale allemande. Aucune protestation audible des membres du Parlement, aucune mise en accusation par les tribunaux compétents. Les protestations massives et justifiées de la population en 1999 et en 2015 furent ignorées par les autorités.

Il est donc évident que l'influence des intérêts états-uniens sur les institutions allemandes est plus forte que la volonté du peuple. Mais qui définit les «intérêts» américains? Il existe de nombreuses publications décrivant l'étroite imbrication entre l'administration américaine et les multimilliardaires internationaux – mais elles ne sont guère connues du public. (Ce sont notamment des études sociologiques tangibles – provenant pour la plupart des Etats-Unis).6 Le fait que Belinda Gates, citoyenne américaine et épouse de milliardaire, puisse affirmer dans une interview accordée à «Die Zeit» en mai 2020 qu'elle pouvait à tout moment appeler la chancelière allemande7 devrait placer Mme Merkel dans ses petits souliers. Et les citoyens allemands de se demander: «Quand est-ce que moi, je trouverai enfin une oreille attentive auprès de ma chancelière?»

L'augmentation (plus ou moins imposée par les Etats-Unis) des dépenses militaires des pays de l'OTAN à 2% du PIB (!) profitera moins aux producteurs d'armes nationaux qu’au «complexe militaro-industriel» américain, étroitement lié à une partie des multimilliardaires américains. Nous n’allons pas approfondir les intérêts des industries financières et informatiques états-uniennes ici (Goldman-Sachs, BlackRock, Google, Apple, Facebook, etc.). La lutte acharnée concernant le gazoduc Nord Stream 2 et la vente de produits obtenus aux Etats-Unis par fracturation hydraulique en disent long.8 Il n'est pas nécessaire d'être économiste pour voir que cela n'a pas grand-chose à voir avec l'économie de marché (et encore moins avec la démocratie). Dans ce domaine, c’est le règne de la loi du plus fort.

L'Allemagne est-elle le «Porto Rico» des Etats-Unis?

Vu de l'extérieur, on observe ceci: l'Allemagne ressemble de plus en plus à un «Porto Rico» des Etats-Unis.9 Le gouvernement, le Parlement et la Justice ne représentent plus les intérêts de la population. Ils ont abandonné le terrain de la Loi fondamentale. Les ordres viennent d'un noyau d’élites, des multimilliardaires et des think tanks ploutocratiques américains ayant une prétention au pouvoir mondial. Des projets tels que le «Great Reset» [la remise à zéro, ndt.] ne sont pas seulement élitistes, mais rappellent aussi étonnamment des fictions comme «Le Meilleur des mondes»10 ou «Globalia».11

Récupérer les droits démocratiques

Qu’en est-il d’une Allemagne démocratique et donc à nouveau prévisible, dans laquelle les citoyens déterminent à nouveau eux-mêmes leur destin? Quand le Parlement allemand retrouvera-t-il ses droits et pourra-t-il à nouveau remplir ses fonctions? Quand les partis politiques représenteront-ils à nouveau les intérêts de leurs électeurs et ne considéreront-ils plus l'Etat comme leur proie? Quand le pouvoir judiciaire redeviendra-t-il indépendant de la politique?12 Il est grand temps de procéder à une «remise à zéro» démocratique.

(Traduction «Point de vue Suisse»)

1 cf. https://www.wallstreet-online.de/nachricht/13185528-great-reset-bedeutet (download 30.11.2020)

2 https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_de (download 29.12.2020)

3 cf. Gerhard Schröder 2014 anlässlich des Krimkrieges. https://www.youtube.com/watch?v=ydLINQBOF1U (download 30.11.2020)

4 cf. https://www.dw.com/de/merkel-aussp%C3%A4hen-unter-freunden-das-geht-gar-nicht/a-37580819 (download 30.11.2020)

5 cf. Polli, Gert R. Deutschland zwischen den Fronten. Wie Europa zum Spielball von Politik und Geheimdiensten wird. FBV. München 2017.

6 Ferdinand Lundberg n’est pas le premier sociologue analysant l’influence des «super riches» sur la politique états-unienne. Lundberg, Ferdinand. The Rich and the Super-Rich. A Study in the Power of Money Today. New York 1968. En allemand: Die Reichen und die Superreichen. Macht und Allmacht des Geldes. Hamburg 1968

7 cf. https://www.zeit.de/zustimmung?url=https%3A%2F%2Fwww.zeit.de%2F2016%2F32%2Fmelinda-gates-bill-gates-spenden (download 30.11.2020)

8 cf. https://www.handelsblatt.com/themen/nord-stream-2 (download 30.11.2020)

9 Description par Willy Wimmer, ancien Secrétaire d’Etat allemand, de la situation de l’Allemagne fin 2020. (Puerto Rico est une île des Caraïbes et un territoire non incorporé des Etats-Unis. Donc, cette île n’est pas un Etat fédéral des USA, et ne fait pas partie d’un Etat fédéral. En tant que territoire américain, Puerto Rico ne mène pas de politique étrangère; tout ce qui touche à ce domaine ne concerne que les Etats-Unis. [ndt.])

10 Huxley, Aldous. Le Meilleur des mondes. Pocket 2002

11 Rufin, Jean-Christophe. Globalia. Editions Gallimard 2004

12 Von Armin, Hans Herbert. Die Hebel der Macht und wer sie bedient. Parteienherrschaft statt Volkssouveränität. Heyne München 2017

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