Joe Biden – un tournant démocratique?
par Roland Hureaux*
Il faut une rare inconscience pour affirmer, comme le fait la majorité de la presse européenne et américaine et les partisans de Biden à la présidentielle américaine, que la défaite de Trump sauvera la démocratie.
Quelle démocratie, quand on sait que 90% des médias américains lui étaient férocement hostiles depuis le début, que le PDG de Facebook se permet de dire à la cantonade depuis plusieurs mois que c’est lui qui décidera qui sera le vainqueur de l’élection, que les patrons des GAFAM1 se sont permis de bloquer les tweets du président des Etats-Unis plusieurs semaines avant l’élection pour le priver de tout moyen d’expression directe?
C’est bien évidemment le contraire: si Biden est élu président des Etats-Unis avec de telles méthodes, c’est qu’il n’y a plus de démocratie dans ce pays, ni ailleurs en Occident. Ne nous y trompons pas, la chape du plomb du politiquement correct sexuel, racial, climatique, sanitaire, migratoire va se faire beaucoup plus lourde sur les Américains et sur nous. C’est un temps de ténèbres qui vient. Ajoutons que l’agressivité du camp démocrate qui, après avoir éliminé Trump voudra éliminer son autre bête noire Vladimir Poutine, nous fera courir les pires dangers, danger de guerre, bien plus grave et immédiat que celui du réchauffement climatique dont on nous abreuve. Il ne restera bien entendu pas grand-chose dans un tel contexte de nos libertés: rien n’arrêtera la montée de l’empire du Mordor.2
La question est que ceux qui font preuve de tant d’aveuglement croient à ce qu’ils disent. Léonid Brejnev ne croyait pas vraiment à la supériorité du système soviétique, mais eux croient, au-delà de toute raison, que c’est Trump qui menace la démocratie et pas eux. Les scandales antidémocratiques que nous venons d’évoquer leur échappent complètement.
Et cet aveuglement est la raison pour laquelle les Etats-Unis sont aujourd’hui au bord de la guerre civile. Le libre-échange universel, la théorie du genre, la fongibilité sans limite des races et des cultures sont des idées fausses et donc, dès lors qu’elles sont mises en œuvre par de gens puissants, elles relèvent de l’idéologie, un mélange de vision du monde simpliste et de projet messianique. Un projet messianique fondé sur un sens supposé de l’histoire, une séparation entre progressistes autoproclamés (c’est-à-dire à dire l’avant-garde de la caravane qui mène les sociétés au gouffre) et supposés réactionnaires. Les idéologues entrent en fureur quand leur projet est contrarié, comme Donald Trump a contrarié le leur. Cette contrariété n’est pas une simple opinion divergente qu’on puisse combattre avec des arguments, non, elle est la preuve que leur idéologie est fausse, qu’il faut qu’ils se remettent entièrement en cause: d’où la haine abyssale que les idéologues ont pour leurs adversaires. L’idéologie passe avant toute autre considération. La dimension messianique de leur projet les fonde à mépriser le droit, la morale, ce qu’Orwell, plus que jamais d’actualité, appelait la «common decency», la culture, la démocratie, les fondamentaux de la nature humaine. Dès lors que dans une démocratie une partie substantielle de la population est atteinte par le virus idéologique, aucun compromis n’est possible avec l’autre partie. Dès qu’elle n’est pas ultra-minoritaire, l’idéologie conduit à la guerre civile. C’est ce qui se passe aux Etats-Unis sous nos yeux.
1 Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft
2 Mordor = «Pays noir». Terme tiré de la trilogie «Le Seigneur des anneaux» de J. R. R. Tolkien.
* Roland Hureaux (né 1948) est un historien et auteur français, intéressé aux questions politiques. Il est ancien élève de l’Ecole normale supérieure et de l’Ecole nationale d’administration (ENA) avec des engagements politiques aux divers niveaux de l’Etat. Il a rédigé de nombreux ouvrages relatifs à l’administration territoriale et l’aménagement du territoire. Sa dernière publication est intitulée «La France et l’OTAN en Syrie: le grand fourvoiement», Paris 2019. |