Le «Règlement européen sur les services numériques» et la Suisse
– ou ce qu'il advient de la liberté d'expression dans l'UE
par Ursula Cross*
(10 octobre 2025) Sous l'influence informelle de l'UE, la Suisse se retrouve elle aussi de plus en plus soumise à une mentalité autoritaire de surveillance qui gagne du terrain dans le monde entier. Dans de nombreux domaines, nous adoptons sans broncher les points de vue et les attitudes politiques et juridiques de l'UE. Notons qu'il ne s'agit pas d'une entité démocratique. Au sein de l'UE, le «Règlement européen sur les services numériques» ou en anglais «Digital Services Act» (DSA) est devenu un instrument décisif de surveillance de l'opinion.
L'ancien juge et éminent juriste allemand Manfred Kölsch a mis en évidence les conséquences du Règlement européen sur les services numériques (DSA) avant même son introduction en 2024. Certaines conséquences explosives sont mentionnées ci-dessous. En cas de rapprochement avec l'UE, la Suisse devra se pencher sur le DSA. Ces lois autocratiques, pour employer un euphémisme, relèvent-elles également du domaine de la «reprise automatique du droit de l'UE»? Ou seront-elles introduites insidieusement en Suisse par le biais de «règlements» européens? Des juges nommés par l'UE dans un tribunal arbitral mixte décideront-ils en dernière instance de ce qui «peut» encore être dit en Suisse?
Manfred Kölsch à propos du DSA:1 Le Règlement européen sur les services numériques s'applique directement dans chaque Etat membre de l'UE depuis le 17 février 2024 au plus tard, principalement aux «très grandes plateformes en ligne et aux très grands moteurs de recherche» (art. 33, al. 4, art. 92, 93, al. 2 DSA). Sous peine de sanctions financières sévères, celles-ci sont tenues de contrôler tous leurs contenus et, le cas échéant, de les supprimer. Elles sont contrôlées à cet effet par la Commission européenne, des coordinateurs gouvernementaux et des «signaleurs de confiance» issus de la société civile.
La DSA, qui remplace la Loi sur l'application des réseaux (NetzDG) et la Loi sur les télémédias (TMG) en vigueur jusqu'alors en Allemagne, est un projet législatif de grande envergure avec plus de 150 considérants et 93 articles. Le rapport correspondant du Parlement européen compte près de 1000 pages.2
«Ce règlement européen montre de manière exemplaire comment les institutions nationales et européennes travaillent main dans la main pour empêcher les flux d'informations alternatifs. Elles sapent ainsi la liberté d'expression et d'information inscrite dans la Constitution et encouragent cette tendance par un système de surveillance à l'échelle européenne», explique Kölsch.
La suppression d'entrées non illégales sera également possible, par exemple la «transmission et la diffusion d'informations et d'activités illégales ou préjudiciables»; mesures préventives de contrôle de l'information. Chaque Etat membre nomme un coordinateur des services numériques (CSD).
Le CSD peut émettre des ordonnances contre les contenus qu'il juge inappropriés sur les plateformes et exiger des informations sur leur mise en œuvre. Il a le droit «d'effectuer des vérifications dans tous les locaux […] ou de demander à une autorité judiciaire de son Etat membre d'ordonner de telles vérifications […] afin d'examiner et de recueillir des informations sur une présomption d'infraction […]». En cas de conflit, la Commission européenne a en fin de compte le pouvoir de décision exclusif. Les pouvoirs des coordinateurs des Etats membres sapent le principe de subsidiarité.

La DSA et la Suisse
L'ancien procureur général du canton de Zurich, Jürg Vollenweider, a souligné, dans le cadre de conférences sur le Traité pandémique de l'OMS et le Règlement sanitaire international (RSI), que le Conseil fédéral avait déjà prévu d'introduire une loi similaire et que, d'autre part, une éventuelle reprise dynamique élargie du droit européen impliquerait l'adoption de dispositions légales similaires.3
Le «Réseau des juges et procureurs critiques» KRiSTA s'intéresse particulièrement aux développements préoccupants en Allemagne et dans l'UE. Il devient également de plus en plus important pour la culture juridique suisse de se pencher activement sur ces développements. Une manifestation organisée à Halle an der Saale le 29 novembre, intitulée «De l'Etat libre à l'Etat surveillant», offre une occasion de le faire.4
* Ursula Cross est pédagogue, ancienne directrice d'un établissement scolaire, traductrice CAS et membre de l'équipe rédactionnelle de «Point de vue Suisse». |
(Taduction «Point de vue Suisse»)
1 https://netzwerkkrista.de/2024/01/16/meinungsfreiheit-ein-auslaufmodell/, 16 janvier 2024
2 https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-9-2021-0356_DE.html, 20 décembre 2021